About Catherine Thiry_FR

Catherine Thiry ° Belgium 1962

Après s’être consacrée 20 années (depuis 1986)  à la peinture, dans la continuité de son parcours, Catherine Thiry s’est mise au volume. Depuis 2004, elle travaille la terre pour produire des bronzes. La forme se veut juste, le volume puissant, le relief émouvant. Catherine Thiry est dans la sincérité absolue. Elle modèle ses pièces avec conviction, et non sans sensibilité. On sent l’instant de la création dans chaque empreinte, dans l’épaisseur du geste. On sent le temps d’observation qui lui a été nécessaire pour trouver l’attitude ultime. On sent enfin son caractère à la fois humble et fier, digne et modeste.  Catherine est une modeleuse d’humanité. Une humanité faite d’une matière pleine, riche et généreuse. A son image !  F.Wagner

Catherine a des mains blessées, de travailleur de force, de lavandière ancienne. Elles dansent devant vous quand elle parle. Elle les broie quand elle tresse la carcasse filaire, qui sera l’os
et le fil de la neuve chose qu’elle dresse hors de terre. Elle les tient chaudes pour approcher la glaise qu’elle torture et caresse. Elle les noue sur le cou, le dos, le ventre et les joues de ce qui lui sort des doigts : le vif, le beau, chaud. Je n’ai jamais vu Catherine « œuvrer », Je l’imagine seulement, en laissant ses jolies mains carrées me dire leur bonheur de « faire ».

Catherine sculpte et peint. Elle sculpte comme elle peint et fait le chemin inverse de l’œil à la main. Il faut laisser ses éclats de vie, quasi monochromes sur toile, brutalement écaillés en bronze, surgir d’elle et vous envahir l’œil, le cœur et la main qui s’avance pour toucher la caresse crûe qu’elle leur a donnée à coups de brosse, à coups de doigts, à coups de poings parfois. Catherine est une force nature, qui prend à bras-le-corps les formes qui germent en elle depuis des lunes , depuis l’enfance. Elle est libre de les tordre ou les tendre à son gré
car elle n’a jamais appris, elle a regardé. Les chevaux, en premier. De tout temps dont elle se souvienne ils furent là, à la frôler, la dompter et la pousser dans ses derniers retranchements.
D’eux lui sont venus la force, l’œil et la main pour poser hors d’elle, leurs couleurs et mouvements insensés qui d’un coup de pinceau devenaient siens. D’eux lui sont venus le geste, l’assurance et la justesse pour modeler à son idée terre et ciel et couler son image dans le bronze que l’on dirait cabossé. Ces pégases alignés sont ses mentors, ses passeurs de vie, sa liberté. Alors, ne lui demandez pas pourquoi elle les peint et les forge car elle serait tentée de vous citer Magritte et sa pipe, en toute humilité et sans familiarité .

Catherine ne ressemble à rien, elle invente. D’un geste, elle capte le mouvement suspendu d’un homme que le doute blesse, l’intime conviction alanguie d’une « petite », le pas infini d’un poney minuscule ou le regard éloigné d’un «cador» dont elle ne livre que la tête émergée.
De coup de pouce, il me semble, en coup de poing aussi sans doute, elle taraude la terre, la tord, la plaque, en fait une carapace qui gaine l’instant funambule que son œil a capté. Etrangement, le passage au bronze sublime cette instantanéité. Jamais elle ne tombe dans la redite, l’automatisme. Sa liberté me sidère et me touche. Catherine peint, et sa peinture lui ressemble bien. Libre et mouvante, émouvante, comme les regards qu’elle détaille, voile ou gomme délibérément. Là aussi, les chevaux n’en sont pas. Ils déboulent, se noient et poudroient dans l’éclat de couleurs primales, quand les visages humains émergent, interrogent ou s’abîment dans les mêmes teintes folles et profondes. Elle tient un rouge affolant, un bleu bouleversant que j’ai envie de nommer centaure ! J’ai le souvenir d’un bleu de ventre de mer pour un «Somewhere», cheval malheureusement évanoui puisqu’il est vendu…

Catherine sculpte et peint, droit au cœur. Elle met son bleu à l’âme, mais brandit feu et flammes sans peur, en toute liberté. Car il y a de l’allégresse dans son art et une force pénétrante mêlées, qui surgissent d’elle et prennent à la gorge comme un chagrin d’enfant.

Je n’ai plus rien à dire en mots, je veux laisser ses mains d’ouvrière inouïe remuer ciel et terre
et la laisser, de ses doigts toucher le cœur de la couleur du temps. Catherine Thiry se livre à nous. Elle nous propose de découvrir son intériorité,  cette part d’elle qui retentit en chacun.Car tous, nous sommes sujets à nos émotions. Tous, nous sommes orientés – plus ou moins consciemment – par nos aspirations, nos humeurs, nos rencontres, nos doutes, nos craintes, nos pulsions. Elle, exprime son ressenti par la pratique de son art. Elle traduit en volumes ou en couleurs les courants qui la traversent ; extériorise son sentiment dans un langage visible et palpable. Quand elle peint, la démarche intellectuelle est sans cesse présente. Son esprit suit un cours réfléchi, et ordonne sur la toile les touches qui traduisent, avec application, son intention, qui peut varier en cours de route. Catherine travaille en résonance avec le tableau, et dans les moments qui séparent le début d’une œuvre de sa signature, la réflexion et l’acte s’accompagnent, s’influencent. Les résultats font mouche : quand je l’ai rencontrée et que nous nous sommes amusés, tour à tour, à d’abord deviner ou révéler les messages véhiculés par quelques-unes de ses toiles, nos vues ont chaque fois concordé, c’était assez incroyable. Systématiquement. Mon interprétation lisait clairement quelles sphères de volonté l’avaient guidée dans ses réalisations. Convaincu alors de sa sincérité, j’ai eu envie d’aller plus loin dans la découverte du personnage et de son travail. Quand Catherine Thiry est franche, ce n’est pas qu’une attitude.

A travers la pratique d’une discipline artistique, outre une maîtrise technique, un artiste développe surtout son aptitude à observer, à s’approprier et à rendre. Après s’être consacrée 20 années à la peinture, dans la continuité de son parcours, Catherine s’est mise au volume. Depuis 2004, elle travaille la terre pour produire des bronzes. Elle a toujours été attirée aussi par la sculpture et le jour où Pam, une amie sculptrice séduite par ses essais, lui a conseillé de faire couler ses modelages, elle a produit une première série de pièces qu’elle a apporté chez le fondeur Luc Harzé. Les chemins qu’on emprunte sont riches des rencontres qu’on est prêt à y faire.

Pour ses sculptures, explique-t-elle, le processus est différent. Ici, ce sont les mains qui prennent le contrôle. Est-ce parce que l’acte est plus physique ? Je pose la question. Elle refuse cette explication. Ce n’est pas de cet ordre. Simplement, quand elle
s’engage dans un travail de sculpture, à un moment elle se «connecte», admet-elle plutôt. Alors la réflexion s’efface, et laisse place à l’acte. Sa sensibilité s’exprime, libre, si bien qu’elle n’en maîtrise pas toujours le cours.

Elle m’a raconté comme il lui est arrivé de ne pas pouvoir se contraindre à honorer une commande, parce que la terre qu’elle modelait l’avait emmenée ailleurs quand on lui avait demandé telle expression. Quoi qu’il en soit, quand on comprend les courants qui l’entraînent, on ne s’étonne pas de retrouver dans ses œuvres l’équilibre qui la caractérise : un caractère déterminé sujet à des émotions fortes.  M. Adam